La perte du chromosome Y dans les cellules cancéreuses du poumon présente un paradoxe : elle aide simultanément les tumeurs à échapper au système immunitaire et améliore l’efficacité de certains médicaments anticancéreux. Cette découverte surprenante met en évidence une compréhension croissante de la manière dont les mutations génétiques au sein des tumeurs peuvent modifier considérablement les résultats du traitement.
Le rôle inattendu de la perte du chromosome Y
Depuis des décennies, les scientifiques savent que les hommes ont tendance à perdre des chromosomes Y dans certaines cellules à mesure qu’ils vieillissent. Ce phénomène, lié à des risques accrus de maladies cardiaques et à une espérance de vie plus courte, est désormais reconnu comme un facteur critique dans la progression du cancer. Des chercheurs dirigés par Dawn DeMeo du Brigham and Women’s Hospital ont découvert que les cellules d’adénocarcinome du poumon, le type de cancer du poumon le plus courant, manquent souvent de chromosomes Y, contrairement aux cellules saines. Cette perte se produit indépendamment des antécédents de tabagisme, ce qui suggère qu’elle n’est pas simplement le résultat de dommages environnementaux.
La clé n’est pas de savoir si la perte se produit, mais dans quelle mesure la tumeur la présente. Les cellules présentant une plus grande perte de chromosome Y présentent une expression réduite des antigènes qui signalent normalement au système immunitaire. En effet, les cellules cancéreuses deviennent « invisibles » pour les lymphocytes T, leur permettant ainsi de se développer de manière incontrôlée. Cela explique pourquoi les tumeurs sans Y sont moins susceptibles d’être attaquées par les défenses naturelles de l’organisme.
Un bénéfice paradoxal : une réponse médicamenteuse améliorée
Bien qu’elle favorise l’évasion immunitaire, la perte du chromosome Y améliore paradoxalement la réponse au pembrolizumab, un médicament inhibiteur du point de contrôle immunitaire. Ce médicament agit en inversant la suppression des lymphocytes T, leur permettant ainsi d’attaquer plus efficacement les cellules cancéreuses. Les chercheurs ont analysé les données de plus de 800 patients atteints d’un cancer du poumon et ont découvert que ceux dont la tumeur présentait une perte du chromosome Y répondaient mieux au pembrolizumab.
Dan Theodorescu de l’Université de l’Arizona, qui a déjà observé cet effet dans le cancer de la vessie, confirme que le lien est désormais « validé dans un ensemble de données complètement différent ». Cela suggère que la perte du chromosome Y crée un environnement dans lequel les médicaments stimulant le système immunitaire sont plus puissants.
Pourquoi c’est important
Les implications sont importantes car elles montrent que les mutations génétiques peuvent avoir des effets imprévisibles sur le comportement du cancer. Le fait que la perte du chromosome Y affaiblisse simultanément la surveillance immunitaire et améliore l’efficacité des médicaments soulève des questions fondamentales sur l’évolution du cancer. Bien que cette perte n’affecte pas encore la survie globale des patients atteints d’un cancer du poumon, cela pourrait changer à mesure que la recherche découvrira comment ces mutations affectent différents types de cancer.
En fin de compte, identifier la perte du chromosome Y en tant que biomarqueur pourrait aider les médecins à adapter leurs stratégies de traitement, garantissant ainsi aux patients de recevoir les thérapies les plus efficaces pour leur profil tumoral spécifique.
« Grâce à cette meilleure compréhension, la perte de Y pourrait un jour être utilisée comme biomarqueur pour éclairer la prise de décision clinique. » – Dan Theodorescu, Université de l’Arizona.























































